Aujourd'hui je suis triste. Et en
colère. Ca fait un moment que ça n'était pas arrivé.
La faute à un enchainement de petites
choses.
Mon père d'abord, qui m'a dit il y a
deux jours : " C'est dans 15 jours la rentrée des
Minis-Chouettes ? Euh, non... il y a une erreur là, les
vacances viennent à peine de commencer ! Ca m'inquiète qu'il se
mélange dans le temps comme ça, ça ne serait pas un début
d'Alzheimer ? J'ai vérifié sur le calendrier. C'est lui qui a raison.
Ca m'a mis un coup. Dans deux semaines il faudra recommencer à courir, entre l'école et les activités. Pas encore le travail. Je sais, j'ai de la chance (enfin, si l'on considère que ne rien pouvoir faire et avoir mal est une chance...). Je vous entends : " Ben, c'est la vie normale quoi. " Alors là je ne suis pas
d'accord. D'où est-ce que c'est normal de se couler dans le moule de
la société ? Il me vient des envies de tour du monde en famille, en
camping-car peut-être, juste pour garder la liberté des vacances.
Grande Chouette ensuite. Qui a elle
aussi réalisé que la rentrée approchait quand je lui ai dit qu'elle pourrait quitter ses boucles d'oreilles
provisoires
dans 15 jours pour mettre celles qu'elle veut. Elle a fait un grand
sourire, qui s'est aussitôt effacé : " Mais
je croyais que je ne pourrai le faire qu'à la rentrée ? Ca veut
dire que l'école va bientôt recommencer ? " Le soir, je l'ai
trouvée en larmes dans son lit. Ca m'a déchiré le coeur. Elle
trouve qu'on n'a pas assez profité des vacances.
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Trop mignonnes ! |
On n'a pas assez profité des vacances.
Enfin si. Si l'on considère l'étymologie du mot "vacances"
(attention, séquence instruction) : vient du latin vacans, participe
passé du verbe vacare qui signifie " être inoccupé, oisif
(avoir du temps libre) ". Là on a eu tout bon !
Mais si l'on raisonne en terme de
sorties et séjours paradisiaques, ben c'est vrai, ça laisse à
désirer. Et là, je me prends ma culpabilité en pleine poire : on
n'a pas bougé cet été parce que j'ai mal au dos. Parce que je ne supporte que les promenades sur terrain plat. En
montée, ça commence à faire mal. Parce qu'il y a des jours où la
voiture, c'est limite. Même rester assise au cinéma, ça n'est pas
confortable. Et là je déprime, je me sens vieille, je me dis que
j'ai tout fait trop tard, je calcule l'âge que j'aurai quand les
Minis-Chouettes auront vingt ans et je pleure. Et je culpabilise (je
l'ai déjà dit ? )
D'habitude, en été, on ne fait que
des sorties à la journée. Le Hibou n'est pas un fana des séjours
hors maison, et ça nous semblait compliqué avec des enfants petits. On a
nos habitudes : surtout les parcs zoologiques de la région.
De la
région, c'est bien là le problème. Parce que cette année, je n'ai
pas le droit de quitter le département (souvenez-vous, j'expliquais
tout
là). A moins de demander la permission à la Sécurité
Sociale.
En voyant Grande Chouette déprimer, j'ai concocté un petit
week-end à Lyon. Tant pis si j'ai mal au dos, je prendrai des anti-inflammatoires. J'ai voulu demander la permission à la Sécu.
Un petit tour sur leur site, et là, douche froide : il faut écrire
au moins 15 jours avant la date prévue, en indiquant l'adresse où on
sera, et en joignant un certificat médical. Et attendre gentiment
l'accord (ou non) écrit du médecin conseil.
Alors là, il faut qu'on m'explique :
comment je sais 15 jours à
l'avance quel temps il va faire ? Parce que visiter le parc de la
Tête d'Or sous la pluie, ça le ferait moyen, non ? Ils font météo
France à la Sécu ?
Il faut indiquer à quelle adresse
on va séjourner. Comment dire... Je ne sais pas. Enfin pas temps
que je n'ai pas fait la réservation. Que je ne peux pas faire tant
que je ne suis pas sure d'avoir l'autorisation de sortir du
département, au rique de perdre la caution.
Et le trou de la sécu ? Encore
une visite médicale qu'elle va rembourser juste pour que le médecin
fasse un papier ?
Et voilà, mon week-end surprise tombe
à l'eau... Et je déprime, et je culpabilise. C'est quand même à
cause de moi, tout ça !
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Loupé ! |
Je sais ce que vous allez me dire, je
vous entends. Je rappelle que la Chouette a une audition environ dix fois
supérieure à celle de l'être humain (oui, j'ai décidé d'être chiante,
surement parce que je me suis endormie à trois heures du matin,
rapport à l'annulation du week-end).
Vous allez me dire d'y aller
quand même à Lyon. Que la Sécu ne saura pas que je suis sortie du
périmètre de sécurité. Et moi je vous répondrai " sauf si
". Sauf si je me tords une cheville, sauf si je me fais
renverser par une voiture, sauf si je suis obligée d'utiliser ma
carte vitale. Là, c'est les indemnités journalières qui seront
supprimées.
Il y a peu de risques, j'en suis consciente. Je pourrais
faire comme tout le monde (oui, parce que le Hibou me dit " Il
n'y a que toi qui dois respecter cette règle "). Je n'y arrive
pas. J'ai été trop bien dressée, j'ai trop accepté aussi, de
suivre les règles. Rien qu'à l'idée de me faire choper, j'ai mal
au ventre, ma nuque se crispe, et je stresse.
Et je culpabilise aussi
(j'allais oublier) d'être si rigide. Et de priver ma famille de
vacances.
Mais comme me dit le Hibou (cet homme
est gentil), la vraie coupable, c'est la Sécurité Sociale. Enfin, la sécu... Nos gouvernants, nos "élites" (ce mot me fait toujours rire). Parce
qu'on a beau chercher dans tous les sens (et ça fait quelques mois
qu'on essaie), on n'a toujours pas compris cette histoire d'heures de
sorties autorisées et de restriction des déplacements.
Honnêtement, vous comprenez, vous,
pourquoi il faut être chez soi entre 9 h et 11 h et entre 14 h et 16
h ? Ce qui correspond aux heures de travail des contrôleurs de la
Sécu (notez l'amplitude horaire de la pause déjeuner). Parce
qu'après 16 h, on a quartier libre ! On peut même passer la nuit en
boîte, à se déhancher sur des rythmes endiablés, la sécu n'y
verra rien à redire.
Et pourquoi on doit rester dans son
département ? Qui devient soudain très étriqué. Mystère...
En fait, tout ça ne devient logique
que vu sous l'angle de la punition (merci au Hibou pour la pertinence de son analyse).
En arrêt, on a tellement de contraintes qu'on n'a aucun intérêt à
le prolonger (oui, parce que la Sécu pense que si on s'arrête,
c'est parce qu'on est des feignasses. Le fait qu'on ait passé des
années à se surmener est un concept qui leur échappe totalement).
Tout est fait pour nous pousser à retourner travailler. Pour
retrouver notre liberté de mouvements. Parce que toute la famille est punie. Parce qu'au bout d'un moment,
on étouffe.
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Dix coups de bâton ! |
Le mieux-être ? La guérison ? Mais
ils s'en foutent ! Allez, au boulot ! La société a besoin de
consommateurs, pas d'éclopés ! Sinon, comme me l'a gentiment
proposé la dernière remplaçante de mon médecin traitant, il y a
les anti-dépresseurs : parce que " des fois les gens dépriment
au bout de quelques mois d'arrêt ". Non ? On se demande bien
pourquoi... J'ai refusé sa proposition.
" Bon, et bien faites
des choses qui vous font plaisir alors, c'est important. "
Chouette, un petit week-end en famille à Lyon alors ? Ah, ben non,
toujours pas...