Une après-midi ordinaire, je suis en
train de préparer des biscuits quand soudain des pleurs
retentissent. A bien écouter, ce ne sont pas des pleurs mais des
hurlements désespérés.
Je soupire, j'abandonne ma préparation,
et me dirige vers la source : Petite Chouette, des ruisseaux de
larmes dégoulinants sur les joues.
Certainement encore une
chipoterie entre sœurs : une poupée arrachée des mains ou un
doudou caché.
Innocente ! C'est bien pire que
ça.
Je me penche vers l'enfant secouée de
sanglots : « Qu'est-ce qui t'arrive ? »
Et la réponse claque : « Je
viens de penser que quand elle sera très vieille ma sœur Grande
Chouette va mourir. Grande Chouette, je l'aime trop, je ne veux pas
qu'elle soit morte ! »
Douche froide. Ah oui, quand même, il
y a du gros dossier là.
Et je suis censée répondre quoi ?
« Dis-donc Petite Chouette, rappelle-moi ton âge. Tu n'as pas
encore 4 ans, si je me souviens bien ? C'est quoi ces questions
à la con ? A 4 ans ??? Non, ça ne le fait pas.
Mais je réponds quoi ??? Et les
sanglots qui continuent. Je la serre contre moi. Très fort. Je la
caline. Mais rien n'y fait. Elle continue de hurler à la mort (c'est
le cas de le dire). Je lui sert la soupe déjà servie à sa sœur :
du Dolto à base de « On meurt quand on a finit de vivre, et là
on n'a pas du tout fini de vivre, n'est-ce pas Petite Chouette ? »
Ca calme un peu les sanglots, mais pas
tant que ça puisque Grande Chouette débarque et demande comme une
fleur : « Pourquoi elle pleure ? »
Aïe ! Je vais en avoir deux à
gérer là. Deux chouettes en train de hululer, sous les ailes
impuissantes de leur mère incapable de leur sortir une réponse
rassurante.
Et là non, le miracle.
Petite Chouette explique en pleurant à
sa sœur les causes de son immense chagrin.
Et c'est Grande Chouette qui la
rassure. En reprenant à sa sauce toutes les paroles et les
explications que je lui avais distillées il y a déjà plusieurs
années, quand elle avait eu les mêmes angoisses.
Elles sont là, blotties l'une contre
l'autre, et Petite Chouette retrouve le sourire.
Je me dis qu'on a bien fait d'en faire
deux. Que malgré les petites disputes du quotidien, elles sont
soudées. Et que j'espère qu'elles seront toujours là l'une pour
l'autre, comme aujourd'hui.
N'empêche que je trouve que c'est bien
tôt pour se poser ce genre de questions. 4 ans pour Petite
Chouette ; 3 ans pour Grande Chouette.
A tout les coups, elles ont hérité du
gène prise de tête de leur mère... Et merde !
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