samedi 24 octobre 2015

Le zizimètre



L'un des avantages de travailler comme aide-soignante à domicile (à part la carte de stationnement gratuit), c'est qu'on a à sa disposition tout un tas d'accessoires dont la majorité des gens ignore complètement l'existence.

J'ai par exemple dans mon sac : 

- un tensiomètre, qui me sert à vérifier la tension des patients, et accessoirement la mienne, en cas de crise d'hypocondrie consécutive à un mal de tête occasionné par le niveau sonore des Minis-Chouettes (en mode crêpage de chignon entre sœurs) ;

- un oxymètre de pouls : pour vérifier le taux d'oxygène dans le sang. Utile pour vérifier que le patient n'est pas à l'agonie. En même temps, quand on sait que la seule collègue a avoir eu 100 % fume depuis 10 ans, on doute un peu de l'efficacité de l'appareil...

- divers pansements et pipettes remplies de liquides mystérieux...

Il y a quinze jours, j'ai découvert une nouveauté. En effet, je suis rentrée à la maison avec ce que l'une de mes collègues a joliment appelé un « zizimètre ».

Je stoppe tout de suite votre imagination, ça n'a rien de très sexy. En fait, voilà à quoi ça ressemble :

De "où qu'il est ? " à "gloups"

A quoi ça sert ?

Et bien comme son nom l'indique... à mesurer le diamètre du pénis.

Euh, je rappelle au Hibou, qu'il n'est pas obligé de lire TOUS mes articles. Celui-là, par exemple, c'est facultatif. 

Ah, on a un joli métier ! Vous avez le droit vous, de mesurer l'appendice de vos interlocuteurs au boulot ? Moi, oui. D'ailleurs, c'est fou comme le même organe peut autant varier d'un individu à un autre !

J'étais donc chargée d'une mission de la plus haute importance, puisqu'il s'agissait de déterminer la pointure pénienne (joliment dit, n'est-ce pas ? ) de l'un de mes patients. Pas pour noter dans son dossier ni pour faire des statistiques. Quoique ce pourrait être fort instructif. Je me demande notamment si le pénis rétrécit avec l'âge, au contraire des oreilles et du nez, qui eux s'allongent ? C'est une vraie question. Parce que je croise beaucoup de petits formats... Si quelqu'un a la réponse...

Non, il s'agit de choisir la bonne taille de pénilex (ou étui pénien). Vous tenez vraiment à savoir ce que c'est ? Rien de très glamour. En gros, c'est comme un préservatif, mais relié à un tuyau qui rejoint une poche à urine :

J'ai un métier merveilleux...



Et qui sert donc quand le patient est incontinent. Fallait pas poser la question.

Ca ne vous servira sûrement jamais, mais il y a quelques règles à respecter pour utiliser le zizimètre (qui a sûrement un vrai nom) :

- prévenir le patient : « eh bien monsieur Belteube (oui, on est parfois agréablement surprise), si vous le permettez, je vais prendre les mesures pour votre...euh, enfin, je fais vite, hein. »
 
- éloigner l'entourage. Ca n'est déjà pas un moment où le patient et le soignant sont très à l'aise, alors si en plus on rajoute la (très) jeune stagiaire, le médecin qui passait en visite, et l'épouse qui veut vérifier ce qu'on fait, ça devient très vite infernal ;

- rassurer le patient : qui veut toujours savoir si tout va bien. Eviter de lui dire que la norme c'est le 25/30 s'il se noie dans le 21. Ne pas non plus s'extasier en mode « ouah, il faut que j'envoie un sms à mes collègues, c'est la première fois que je vois un 40 ! » Ca ne fait pas très professionnel ;

- Et le plus important : ne pas être trop douce, ni trop tremblante, et surtout éviter le regard d'encouragement accompagné d'un sourire au patient. Parce que là, ça risque d'être la catastrophe ! Je rappelle qu'on veut une mesure au repos !!! 

Voilà, si j'ai pu susciter quelques vocations parmi vous tant mieux, parce qu'il y a du boulot dans le secteur !


mardi 13 octobre 2015

Trop la honte !



C'était au printemps, un jour de repos en semaine.

Enfin, si l'on peut appeler ça un jour de repos, puisqu'il faut quand même se lever à 7 h pour préparer les filles, qui elles vont à l'école. 

Les jours ou je travaille, je gère le lever et l'habillage avec le Hibou, et les coiffures. Parce que je ne peux décemment pas confier le démelage/ça tireeeee ! et la confection des queues-de-cheval et autres tresses au Hibou. Pour sa santé mentale d'abord, et pour la cote de popularité des Minis-Chouettes ensuite.

Oui, je sais, je suis douée...

Et puis, à 7 h 30 (hum, hum...) je pars. Les filles finissent de petit-déjeuner, regarder un peu la télé et se préparer pour partir à l'école, avec le Hibou ; qui les accompagne ensuite à l'arrêt du bus scolaire.

Ce matin là, Petite Chouette avait insisté pour mettre sa culotte préférée. Une (vieille) culotte de sa grande cousine que sa grand-mère paternelle a retrouvée au fond d'un tiroir et lui a donnée. Sachant que sa cousine a 20 ans, je vous laisse calculer l'âge de la culotte... Bref, c'était cette culotte et pas une autre. Après tout, ça ne me dérangeait pas plus que ça, si ça lui faisait plaisir... Sauf que la culotte était sur l'étendage, un étage en-dessous. Pas grave, on la mettra en descendant. J'aide donc Petite Chouette à s'habiller, la coiffe (ça tireee, forcément). Ensuite coiffure de Grande Chouette (ça tireee aussi ! Bon, une petite coupe au carré arrangerait peut-être les choses, non ? Ca tire moins tout d'un coup...)

Puis petit-déjeuner, télé... je savoure mon café.

Il va être 8 h, bientôt l'heure de se préparer. Quoi ? C'est l'heure à laquelle il faut partir pour ne pas louper le bus ? Il ne passe pas à 8 h 10 ? Non ? Il est toujours en avance ???? Et c'est parti pour un enfilage de nu-pieds et une sortie de la maison à toute vitesse, en attrapant les cartables au passage. On arrive juste à temps, un petit au-revoir à travers les vitres et je rentre à la maison profiter un peu de ma journée de repos (qui a de grandes chances de commencer par une mise en route de la machine à laver et de se poursuivre par des courses – repos on a dit).

J'ouvre la porte, je songe à un deuxième café, et soudain je la vois. Là, sur l'étendage, se balançant nonchalamment devant mes yeux (rapport au courant d'air) : LA culotte. 

C'est vrai qu'elle est zolie !

Oh punaise ! Petite Chouette est partie à l'école sans culotte ! La honte ! Mon sang ne fait qu'un tour, il n'y a plus qu'une solution : sauter dans la voiture en fourrant l'objet du délit dans ma poche de blouson, et tenter d'arriver avant la fermeture du portail. Heureusement, nous sommes à trois minutes de l'école.

En me garant sur le parking, je suis en transe. Je croise quelques parents qui repartent dans le sens inverse. S'ils savaient ! Je serre nerveusement la culotte dans ma main au passage du portail, et me dirige en courant vers la classe de Petite Chouette. 

Arrivée (discrètement, il ne faut pas qu'elle me voit) dans le couloir, je me retrouve nez-à-nez avec l'ATSEM. Elle s'occupe de la classe de Petite Chouette ET du bus scolaire. Je lui tends lamentablement la culotte en bredouillant. « Ne vous inquiétez pas, me dit-elle avec un sourire, je m'en étais aperçue dans le bus » (facile, Petite Chouette est en jupe - La honte ! ). « Je lui ai mis la culotte du sac de rechange. »

Je l'ai bien remerciée (en priant pour qu'elle ne le raconte pas à toutes ses collègues) et je suis rentrée. Petite Chouette n'a pas été traumatisée, tout va bien.

Mais je crois que c'est une des plus grandes hontes de ma vie de maman !

Remarquez, comme ça elle est à égalité avec sa sœur ! 

Parce que oui, ça nous est aussi arrivé avec Grande Chouette. 

Le jour du spectacle de fin d'année, ou toutes les classes chantent tour à tour devant TOUS les parents. Et où les enfants patientent assis par terre à côté de ceux qui sont en train de se produire. 

Heureusement, Grande-Chouette avait eu la bonne idée de choisir une jupe longue (ouf ! ) et de se tenir correctement (le trac, ça a du bon). Personne ne s'est aperçu de rien. Même pas nous si elle ne nous l'avait pas dit en rentrant à la maison.

Jamais deux sans trois ? Et bien si un jour vous me voyez rougir en sortant des toilettes, vous saurez pourquoi !


samedi 3 octobre 2015

Chère madame C


Chère madame C,

Vous étiez l'une de mes patientes. Vous êtes morte mercredi.

Toute l'équipe d'aide-soignantes s'y attendait depuis des semaines. Votre famille aussi.
Quatre-vingt-cinq ans, un Alzheimer qui vous grignotait petit à petit depuis des années... Vous aviez fini par abandonner le combat.

Je n'ai pas été surprise par votre décès. Pas bouleversée non plus. C'était dans l'ordre des choses. Je m'étais tellement demandée, depuis deux ans que je vous connaissais, à quoi ça servait de vivre comme ça, enfermée dans cette maladie qui vous avait privée peu à peu de communication, puis rendue grabataire. Je me le demande encore.

J'ai surtout pensé à votre famille, qui vous a entourée jusqu'au bout, en vous permettant de rester chez vous jusqu'à la fin.

Deux jours plus tard, nous avions notre réunion d'équipe hebdomadaire. Celle où l'on passe en revue tous les patients, par ordre alphabétique. 

Votre tour est arrivé. Mais on n'a pas parlé de vous. La feuille à votre nom avait déjà été retirée du classeur. 

J'ai attendu le dernier patient. Maintenant, nos responsables allaient nous dire quelque chose. 
Mais non. C'est une collègue qui a pris la parole pour nous informer de la date de vos obsèques. J'ai alors demandé comment s'était passé votre décès. « Qu'est-ce-que tu veux savoir ? » m'a-t-on répondu avec étonnement. Et bien, je ne sais pas moi, comment ça c'est passé la veille avec la collègue qui est passée chez vous, si vous étiez seule au moment de votre mort, bref, qu'on parle de vous !


Onze ans que l'équipe venait vous aider.

Onze ans, et vous n'étiez plus qu'un dossier qu'on archive.

Votre décès ne m'a pas perturbée. Cette indifférence, si. Depuis cette réunion, je pense à vous et je suis triste. J'ai parlé avec deux collègues, j'ai fait un fondant au chocolat pour me remonter le moral... Il avait comme un arrière-goût.

Je n'aime pas aller aux enterrements. Je trouve ça glauque. Et à part pour manifester mon soutien à la famille, je ne trouve pas ça très utile. Parce que pour moi, la personne décédée n'est pas dans le cercueil. Elle est déjà ailleurs. Et elle n'a pas besoin de notre présence auprès de son enveloppe terrestre pour ressentir nos pensées vers elle.

Je n'aime pas les enterrements. 

J'irai au vôtre. 

Parce que sinon, j'aurais l'impression que vous êtes morte deux fois.

De vieillesse d'abord.

D'indifférence ensuite.  

Et ça, ça serait vraiment le plus terrible.

In mémoriam

vendredi 2 octobre 2015

Je couche avec un suédois


 
Voilà.

Depuis quinze jours, je couche avec un suédois.

Je l'ai rencontré par hasard, au détour d'un rayon Ikéa.

La première fois, je l'ai trouvé trop ferme et un peu bruyant.

Je me suis vite habituée.

C'est lui que j'attendais depuis des années. 

Depuis que nous dormons ensemble, je me réveille détendue et épanouie.


Il ne paye pas de mine, mais il a changé mes nuits.

Il s'appelle Fjädrar et je ne peux plus m'en passer.