jeudi 10 septembre 2015

L'étrange virus



Il se produit depuis quelques jours un phénomène étrange sur mon écran d'ordinateur.

Dès que je rejoins les réseaux sociaux, je suis assaillie par des messages haineux. 
Du grand n'importe quoi : un douteux mélange entre individualisme, peur de l'autre, et intérêt soudain pour nos pauvres « bien de chez nous ».

Le pire, c'est que ces messages sont relayés par mes amis. Il y a ceux que je connais bien, qui sont de ma famille ou avec qui je travaille. Et les autres, les amis d'amis qui avaient l'air si charmant que je leur ai lancé une invitation. Je n'arrêtais pas d'interpeller le Hibou : « Regarde ce qu'à écrit mon ancienne collègue, tu sais, celle qui est si sympa ! » ou encore « Pas elle, punaise, elle a quatre enfants ! » Passe pour mes connaissances lointaines. Mais tous ceux que j'apprécie ?

Je vous l'avoue : j'y ai cru. 
J'ai été naïve. 
J'ai cru que toute cette intolérance, toute cette haine était vraiment relayée par mes amis. 
Et ça m'a fait mal.
Et puis en réfléchissant, j'ai compris : c'est un virus ! Les profils de mes amis ont été piratés et quelqu'un s'amuse à distiller la bêtise et l'intolérance via leur compte.

J'aurai du m'en douter. Comment ai-je pu penser que mes amis, si intelligents et pleins de bon sens (normal, ce ne sont pas mes amis pour rien) pouvaient croire ça :

  • que les logements attribués aux réfugiés auraient pu bénéficier à des sans-abris français. Si c'était une volonté politique, ça aurait été fait depuis longtemps ;

  • que les migrants vont venir nous prendre notre travail. Il y a près de trois millions de chômeurs en France, pour lesquels on n'a apparemment pas de solution d'emploi. Et on en trouverait pour des immigrés ? Ben, si quelqu'un peut nous dire où...

  • que l'argent qui va servir à aider les réfugiés aurait pu être utilisé pour revaloriser les retraites. Trop drôle. Et pourquoi pas se servir de l'argent consacré à la recherche spatiale pour nourrir les millions d'enfants qui meurent de faim dans le monde ?

Je suis soulagée. Mes amis sont des gens bien.

A voir tous ces messages de haine, j'ai cru un instant que la France, pays des droits de l'homme, était devenue le pays du rejet de l'autre.

Mais ce n'est pas possible. Parce que près 4 millions de français qui défilent le 11 janvier dernier contre la violence gratuite, ça ne peut pas se transformer en quelques mois en autant de millions qui militent pour qu'on laisse mourir des innocents.

Rassurez-moi, ça ne peut pas, hein ?

Paris le 11 janvier 2015 - (photo L. Geai/SIPA).



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