samedi 7 mai 2016

L'occasionnelle




Aujourd'hui, je laisse un peu d'espace sur le blog à une amie qui a besoin de s'exprimer (toute ressemblance avec des personnes et des situations existantes ou ayant existé ne saurait être que purement fortuite ; hum).

"Merci la Chouette. Et bien voilà, je commence : Bonjour, je m’appelle Olga, et je suis une occasionnelle.

Olga, c’est un pseudo. J’aime bien ; ça fait bombe de l’est, classe et blonde. Tout moi.

Occasionnelle, ne vous y trompez pas, ça ne veut pas dire que je vends mes charmes. Mais pour moi, c’est presque aussi dur à avouer. Je ne m’en vante pas auprès des autres parents à la sortie de l’école. Même à mes enfants, je ne dis pas le mot. J’édulcore, je dis que je vais aider une dame qui n’a pas le temps de nettoyer sa maison. « Mais maman, toi non plus tu n’as jamais le temps de nettoyer notre maison ! » Gloups !

A vous je peux bien le dire, je suis femme de ménage. Quelques après-midi par semaine. Pour compléter mon mi-temps (passionnant, et choisi pour avoir le temps de m’occuper de mes rejetons, mais pas assez rémunérateur). 

A bien y regarder, et au risque de choquer, femme de ménage, ça ressemble à péripatéticienne. Même si on gagne moins ! C’est une profession qu’on ne choisit pas par passion (même s’il paraît qu’il y a des obsédées du plumeau qui adorent ça) mais par facilité ou par manque d’autres opportunités. Le client nous sélectionne en fonction de nos spécialités (repassage, maniement du lave-vitre, lancer de vinaigre blanc depuis l’entrée de la salle de bains). Il (le plus souvent elle, d'ailleurs) se moque de notre prénom, de notre vie. On est invisible, interchangeable, et jamais assez bonne.

Et pourtant, même si c'est un boulot alimentaire, on a envie de bien faire. Envie d’aider, d’être utile. Il suffirait de pas grand-chose pour qu’on se sente reconnue.

Alors voici, vu du côté de la femme de ménage, ce que l’on attend des clients (décidément, le terme prête à confusion).

Un matériel correct
L’escabeau bancal, l’aspirateur rafistolé avec du gros scotch (et bloqué à Votre taille, merci pour notre dos) ça craint. Les vieilles culottes de toute la famille à utiliser comme chiffons aussi ; mais on vous remercie pour le fou rire et la tête du voisin quand il a cru qu’on lui faisait coucou avec un string en dentelle (allez lui expliquer qu’on faisait les vitres).

Du respect 
OK on est là pour faire le ménage. Mais… la balayette à WC, il faut vous en servir. Même si c’est le jour où l'on vient. Surtout si c’est ce jour-là (j’ai des visions d’horreur qui remontent). 
Vos serviettes hygiéniques peuvent se jeter roulées dans le petit sachet plastique ; c’est tellement plus sympa quand on vide la poubelle (ne pas penser, ne pas penser).
Le dentifrice qui s’est éclaté sur le sol la veille aurait été tellement facile à ramasser d’un coup d’éponge. Ca aurait été plus rapide : pour vous, qui prenez le temps de nous écrire noir sur blanc de ne pas oublier de le nettoyer, et pour nous, car quand ça a séché, c’est coton à nettoyer. Ah, les cheveux et les poils de barbe dans les lavabos, ça aussi, ça peut se ramasser facilement. 
On n’est pas votre bonne ! (euh, si, en fait, mais on a trop souvent l’impression d’être prises pour des connes).

De la clarté, et de la constance
Quand on vous a demandé si vous étiez sûre qu’il fallait qu’on nettoie les traces sur les portes à l’éponge grattante, c’était pour éviter le drame trois jours plus tard : votre crise d’hystérie quand vous avez remarqué les rayures sur la peinture. Et pourtant, on avait prévenu ! (« ça ne craint rien », vous aviez dit en nous arrachant l’éponge des mains pour nous montrer comment faire).

De la modération
L’esclavage a été aboli en France en 1848 (oui, la femme de ménage peut-être cultivée ; parfois elle a même bac +2). Alors quand vous nous ordonnez de faire les joints de la douche à la brosse à dents, ou de balayer les feuilles sur la terrasse alors qu’il pleut, on a juste envie de vous envoyer bouler. Mais on ne dit rien ; on en a besoin de ce boulot. 
Ah, et si vous pouviez éviter de bloquer le chauffage sur 15°C les jours où on vient, ça serait chouette (ça n’est pas pratique de faire la poussière avec des moufles… quoique). 
Et notre contrat de travail, ça fait six mois qu’on l’attend…

De la discrétion 
Attention  la femme de ménage sait lire. Mais oui ! Si vous voulez garder quelque chose secret, rangez-le. Le post-it : « Jeudi 18 h, rendez-vous sexologue » collé sur le frigo, on le voit. Votre bulletin de salaire abandonné sur la table du salon aussi (le chiffre en bas à droite, c’est bien des francs ?). Même le livre « Oser la sodomie » posé sur votre table de chevet ne nous échappe pas (en tout cas, vous en faites des efforts, c’est le sexologue qui va être fier de vous !). Mais parfois, vous êtes juste flippants : le numéro 10 des choses à faire affichées dans la chambre de votre ado, ça nous a filé un coup. Pour info, c’est : « Mourir ». Vous l’avez vu, au moins ?

Un peu de reconnaissance
Un sourire, un merci sincère, ça ne coûte pas grand-chose, et ça fait plaisir. Et non, « on voit qu’il y a eu quelque chose de fait » alors qu’on vient de passer 3 h non-stop à briquer votre maison, ça ne compte pas comme un compliment. Voire même ça démotive.

Voilà, un bref aperçu. Tous les patrons ne sont pas comme ça. J’ai fait un mix de plusieurs (mais il y en a qui cumulent).  

Et le jour où moi aussi, j’aurai une femme de ménage (« un jour, mon tour viendra, un jour… ». Blanche-Neige, pour les connaisseurs) je serai pire : j’ai déjà prévu de cacher quelques mouches mortes sous les meubles pour vérifier que le ménage est bien fait. 

Gniark."

Et bien merci Olga pour ce témoignage flippant. Moi aussi, j'ai prévu le coup des mouches mortes...

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