samedi 23 juillet 2016

Nice, encore...

 
Je ne devrais pas l'écrire, parce que c'est le but recherché. Mais je n'arrive pas à me remettre de l'attentat de Nice.

Déjà pour le Bataclan, j'avais eu du mal. Parce qu'on avait suivi le déroulement en direct à la télé ? Pour la première fois de ma vie, j'avais acheté Paris Match. D'habitude, je le feuillette chez la coiffeuse ou chez le dentiste. Quoique mon dentiste a plutot des magazines de déco. Et un drapeau français dans sa salle d'attente. Je n'ai jamais osé lui demander pourquoi. On va dire qu'il est patriote.

Donc, j'ai acheté le numéro de Paris Match avec les photos des victimes. J'ai toujours cru que les gens faisaient ça par voyeurisme. Et bien peut-être que non. Moi j'avais besoin de mettre un visage, un nom, une histoire de vie sur les personnes touchées. Je ne pouvais pas me contenter d'un chiffre. Derrière il y avait des personnes, pas des numéros. Les voir, c'était en quelque sorte leur rendre une réalité, une existence qui leur avait été volée.

Pour Nice, c'est pire. Je pense que c'est parce qu'il y a des enfants parmi les victimes. Dès que j'allume l'ordinateur, je tape "Nice" dans la barre de recherche. Le matin en me réveillant. Le soir avant de me coucher. C'est ce que j'ai encore fait hier soir. J'ai lu l'intégralité des noms des victimes, leur âge, les miettes de leur vie. Et je n'ai pas réussi à m'endormir avant quatre heures du matin. Je sais que ça ne sert à rien. Que ça ne changera pas ce qui c'est passé. Que là, je vais exactement dans le sens voulu par les instigateurs de la terreur : je cultive la peur.

Bien sur, c'est le matin qu'à choisi Petite Chouette pour se réveiller à 7 heures. Je l'ai aidée à découper son village indien dans le dernier Pomme d'Api. Elle a bien voulu me laisser colorier le décor. Elle a préféré se charger des personnages. Elle a déjà conscience du niveau en dessin de sa mère...

Je trouve que je l'ai bien réussi !

Après plusieurs jours d'hésitation, on en a finalement parlé aux Minis-Chouettes à midi. Les premiers jours, je n'ai pas voulu. Je ne voyais pas à quoi ça servait de leur faire peur, alors qu'elles n'avaient aucune raison d'en entendre parler. On ne regarde jamais les infos (surtout pas avec elles), on n'achète pas le journal. Bref, nous sommes de très mauvais citoyens de base. Pour le Bataclan, on leur avait dit. Il y avait école juste après, et on préférait qu'elles apprennent les choses par nous que dans la cour d'école, avec toutes les déformations et exagérations possibles.

On leur a dit qu'on avait quelque chose de très triste à leur dire. Petite Chouette s'est bouchée les oreilles, et n'a accepté de décoller ses mains qu'après qu'on lui ait demandé si elle préférait qu'on lui explique les choses nous-même, ou l'apprendre plus tard par ses copines. Je n'ai pas réussi à leur dire en plein. J'ai planté le décor, et le Hibou a continué. Moi j'avais la gorge serrée et la voix tremblotante. Bref, la parfaite image de la mère forte et rassurante !

Petite Chouette n'a pas réagit, mais elle a écouté. Grande Chouette a demandé si c'était loin de chez nous, ce qui l'a rassurée. Et puis elle nous a dit : "Je m'y attendais. C'est logique qu'ils fassent ça à un feu d'artifice, ils choisissent les endroits ou il y a plein de monde." 

Huit ans et demi. Je me suis dit qu'elle était déjà habituée à vivre avec cette menace, et que c'était bien dommage.

Et puis elle a posé une question qui m'a fait l'admirer, une fois de plus. Moi, je ne suis plus capable de réagir comme elle. En voyant le bon côté des choses. Je crois que je ne l'ai jamais été. Elle est comme ça depuis toute petite. Une des rares fois où elle s'est fait punir à l'école, assise sur un banc pendant toute la récréation, elle me l'a raconté et m'a dit : "Ca n'est pas grave, comme ça j'ai pu me reposer ! "

J'espère de tout mon coeur que ça fait partie de sa personnalité. Sûrement (gros croisement de doigts en touchant du bois). J'espère qu'elle gardera toujours cet optimisme. 

 
Vous savez ce qu'elle nous a demandé, pour Nice ?

"Mais c'est à quel moment qu'il a fait l'attentat ? "
 "Après le feu d'artifice, Grande Chouette."
 "Ah, et bien tant mieux. Comme ça, les gens, ils sont morts heureux."

Je vous ai dit que j'admire ma fille ?



2 commentaires:

  1. en fait malheureusement il y a des morts tous les jours, que ce soit par maladie, par accidents de la route et j'en passe mais ils choisissent de nous parler de ça en priorité car c'est + impressionnant, ça fait vendre du papier... Quoi qu'il en soit je crois que malgré tout il faut rester positif et toujours chercher le bon côté des choses, car on cherche (pour quelle raison ?) en ce moment à nous monter les uns contre les autres...

    En tout cas bravo à Grande Chouette qu'elle garde cet optimisme !! en tout cas très belle photo (c'était à Marseille ?) et belle réussite pour le coloriage :) Fab

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    1. C'est vrai, il y a des pays en guerre et c'est bien pire, mais nous on n'a pas l'habitude ! Oui la photo était à Marseille l'an dernier (et j'avais l'oeil au cas ou il y ait un attentat).

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