mercredi 17 août 2016

Punie

 
Aujourd'hui je suis triste. Et en colère. Ca fait un moment que ça n'était pas arrivé.

La faute à un enchainement de petites choses.

Mon père d'abord, qui m'a dit il y a deux jours : " C'est dans 15 jours la rentrée des Minis-Chouettes ? Euh, non... il y a une erreur là, les vacances viennent à peine de commencer ! Ca m'inquiète qu'il se mélange dans le temps comme ça, ça ne serait pas un début d'Alzheimer ? J'ai vérifié sur le calendrier. C'est lui qui a raison.

Ca m'a mis un coup. Dans deux semaines il faudra recommencer à courir, entre l'école et les activités. Pas encore le travail. Je sais, j'ai de la chance (enfin, si l'on considère que ne rien pouvoir faire et avoir mal est une chance...). Je vous entends : " Ben, c'est la vie normale quoi. " Alors là je ne suis pas d'accord. D'où est-ce que c'est normal de se couler dans le moule de la société ? Il me vient des envies de tour du monde en famille, en camping-car peut-être, juste pour garder la liberté des vacances.

Grande Chouette ensuite. Qui a elle aussi réalisé que la rentrée approchait quand je lui ai dit qu'elle pourrait quitter ses boucles d'oreilles provisoires dans 15 jours pour mettre celles qu'elle veut. Elle a fait un grand sourire, qui s'est aussitôt effacé : " Mais je croyais que je ne pourrai le faire qu'à la rentrée ? Ca veut dire que l'école va bientôt recommencer ? " Le soir, je l'ai trouvée en larmes dans son lit. Ca m'a déchiré le coeur. Elle trouve qu'on n'a pas assez profité des vacances.

Trop mignonnes !

On n'a pas assez profité des vacances. Enfin si. Si l'on considère l'étymologie du mot "vacances" (attention, séquence instruction) : vient du latin vacans, participe passé du verbe vacare qui signifie " être inoccupé, oisif (avoir du temps libre) ". Là on a eu tout bon !

Mais si l'on raisonne en terme de sorties et séjours paradisiaques, ben c'est vrai, ça laisse à désirer. Et là, je me prends ma culpabilité en pleine poire : on n'a pas bougé cet été parce que j'ai mal au dos. Parce que je ne supporte que les promenades sur terrain plat. En montée, ça commence à faire mal. Parce qu'il y a des jours où la voiture, c'est limite. Même rester assise au cinéma, ça n'est pas confortable. Et là je déprime, je me sens vieille, je me dis que j'ai tout fait trop tard, je calcule l'âge que j'aurai quand les Minis-Chouettes auront vingt ans et je pleure. Et je culpabilise (je l'ai déjà dit ? )

D'habitude, en été, on ne fait que des sorties à la journée. Le Hibou n'est pas un fana des séjours hors maison, et ça nous semblait compliqué avec des enfants petits. On a nos habitudes : surtout les parcs zoologiques de la région.
De la région, c'est bien là le problème. Parce que cette année, je n'ai pas le droit de quitter le département (souvenez-vous, j'expliquais tout ). A moins de demander la permission à la Sécurité Sociale.

En voyant Grande Chouette déprimer, j'ai concocté un petit week-end à Lyon. Tant pis si j'ai mal au dos, je prendrai des anti-inflammatoires. J'ai voulu demander la permission à la Sécu. Un petit tour sur leur site, et là, douche froide : il faut écrire au moins 15 jours avant la date prévue, en indiquant l'adresse où on sera, et en joignant un certificat médical. Et attendre gentiment l'accord (ou non) écrit du médecin conseil.

Alors là, il faut qu'on m'explique :
  • comment je sais 15 jours à l'avance quel temps il va faire ? Parce que visiter le parc de la Tête d'Or sous la pluie, ça le ferait moyen, non ? Ils font météo France à la Sécu ?
  • Il faut indiquer à quelle adresse on va séjourner. Comment dire... Je ne sais pas. Enfin pas temps que je n'ai pas fait la réservation. Que je ne peux pas faire tant que je ne suis pas sure d'avoir l'autorisation de sortir du département, au rique de perdre la caution.
  • Et le trou de la sécu ? Encore une visite médicale qu'elle va rembourser juste pour que le médecin fasse un papier ?
Et voilà, mon week-end surprise tombe à l'eau... Et je déprime, et je culpabilise. C'est quand même à cause de moi, tout ça !

Loupé !

Je sais ce que vous allez me dire, je vous entends. Je rappelle que la Chouette a une audition environ dix fois supérieure à celle de l'être humain (oui, j'ai décidé d'être chiante, surement parce que je me suis endormie à trois heures du matin, rapport à l'annulation du week-end).
Vous allez me dire d'y aller quand même à Lyon. Que la Sécu ne saura pas que je suis sortie du périmètre de sécurité. Et moi je vous répondrai " sauf si ". Sauf si je me tords une cheville, sauf si je me fais renverser par une voiture, sauf si je suis obligée d'utiliser ma carte vitale. Là, c'est les indemnités journalières qui seront supprimées. 
Il y a peu de risques, j'en suis consciente. Je pourrais faire comme tout le monde (oui, parce que le Hibou me dit " Il n'y a que toi qui dois respecter cette règle "). Je n'y arrive pas. J'ai été trop bien dressée, j'ai trop accepté aussi, de suivre les règles. Rien qu'à l'idée de me faire choper, j'ai mal au ventre, ma nuque se crispe, et je stresse.
Et je culpabilise aussi (j'allais oublier) d'être si rigide. Et de priver ma famille de vacances.

Mais comme me dit le Hibou (cet homme est gentil), la vraie coupable, c'est la Sécurité Sociale. Enfin, la sécu... Nos gouvernants, nos "élites" (ce mot me fait toujours rire). Parce qu'on a beau chercher dans tous les sens (et ça fait quelques mois qu'on essaie), on n'a toujours pas compris cette histoire d'heures de sorties autorisées et de restriction des déplacements.

Honnêtement, vous comprenez, vous, pourquoi il faut être chez soi entre 9 h et 11 h et entre 14 h et 16 h ? Ce qui correspond aux heures de travail des contrôleurs de la Sécu (notez l'amplitude horaire de la pause déjeuner). Parce qu'après 16 h, on a quartier libre ! On peut même passer la nuit en boîte, à se déhancher sur des rythmes endiablés, la sécu n'y verra rien à redire. 

Et pourquoi on doit rester dans son département ? Qui devient soudain très étriqué. Mystère...

En fait, tout ça ne devient logique que vu sous l'angle de la punition (merci au Hibou pour la pertinence de son analyse). En arrêt, on a tellement de contraintes qu'on n'a aucun intérêt à le prolonger (oui, parce que la Sécu pense que si on s'arrête, c'est parce qu'on est des feignasses. Le fait qu'on ait passé des années à se surmener est un concept qui leur échappe totalement). Tout est fait pour nous pousser à retourner travailler. Pour retrouver notre liberté de mouvements. Parce que toute la famille est punie. Parce qu'au bout d'un moment, on étouffe. 


Dix coups de bâton !

Le mieux-être ? La guérison ? Mais ils s'en foutent ! Allez, au boulot ! La société a besoin de consommateurs, pas d'éclopés ! Sinon, comme me l'a gentiment proposé la dernière remplaçante de mon médecin traitant, il y a les anti-dépresseurs : parce que " des fois les gens dépriment au bout de quelques mois d'arrêt ". Non ? On se demande bien pourquoi... J'ai refusé sa proposition.

" Bon, et bien faites des choses qui vous font plaisir alors, c'est important. " 

Chouette, un petit week-end en famille à Lyon alors ?  Ah, ben non, toujours pas...




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